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LE FIGARO 3 janvier 2000

LE GOLAN, PRIX DE LA PAIX OU RANÇON ?

par Michel DARMON *

Qu’un territoire de 60 kilomètres sur 20 occupe depuis des années le premier plan de l’actualité, tient de la démesure tant il y a de par le monde des conflits frontaliers bien plus importants. C’est pourtant le cas de ce minuscule plateau qu’est le Golan au nord-est d’Israël, car les gouvernements arabes du Proche-Orient savent faire partager leurs obsessions, sinon au monde entier, du moins à ceux qui, comme notre diplomatie, sont disposés à une écoute complaisante. Position stratégique surplombant la Galilée, le Golan a servi à ses occupants syriens entre 1948 et 1967 de base de harcèlement et d’agressions contre Israël. Bien retranchés sur les hauteurs, les Syriens tiraient sur les civils israéliens vaquant à leurs occupations dans leurs champs ou sur le lac de Tibériade. Ils ont aussi entrepris de détourner les eaux d’un intérêt vital pour Israël si bien qu’en 1965, celui-ci dut procéder à des bombardements dissuasifs.

Israël coupable d’avoir vaincu ses agresseurs

Contrairement à ce que beaucoup affirment avec impudence, dont notamment une grande agence de presse, si Israël exerce aujourd’hui sa souveraineté sur le Golan, ce n’est pas parce que, un beau jour, Israël s’est imaginé devoir attaquer son voisin. Dans les mois qui précédèrent la Guerre des six jours de juin 1967, la Syrie a intensifié ses attaques terroristes contre Israël. A partir du 6 juin, elle a procédé à des attaques avec infanterie, chars ou artillerie. Le 20 mai 1967, faisant écho à une déclaration incendiaire de la Voix des Arabes, le général Assad, ministre de la Défense syrien et actuel président, avait déclaré : " Nos forces sont maintenant tout à fait prêtes non seulement à repousser l’agression, mais à commencer la libération de la patrie arabe en détruisant la présence sioniste ". Les derniers jours de mai, le président égyptien Nasser qui venait de créer le casus belli en bloquant le golfe d’Akaba, renchérissait en impliquant la Syrie et le Liban : " Notre objectif de base est la destruction d’Israël ; le peuple arabe veut se battre ". En 1967, Israël est coupable d’avoir vaincu ses agresseurs.

Quant au droit historique à la propriété du Golan, il faut rappeler - sans remonter aux temps où les fouilles archéologiques et l’histoire attestent de la présence juive - qu’entre 1916 et 1922, Britanniques et Français menèrent des négociations assez confuses pour se partager l’empire ottoman. Le Golan fit l’objet d’attributions fluctuantes, pour finalement passer en totalité du côté de la zone d’influence française. C’est pourquoi la Syrie souveraine a occupé le Golan durant une vingtaine d’années, le truffant de casemates et laissant à l’état rocailleux les terres dont les Israéliens firent plus tard une "petite Suisse". Les raisons des puissances coloniales avaient primé sur les demandes insistantes des sionistes de disposer des sources d’irrigation d’un intérêt minime pour la Syrie.

Terre contre paix, un principe pervers et hypocrite

Ces vérités étant rappelées, Israël est un État souverain et il appartient à lui seul de déterminer sa politique et non de suivre celle que tant d’autres s’appliquent à lui dicter. S’il considère devoir céder à la Syrie tout ou partie du Golan, c’est son affaire. Ce qui est inconvenant, c’est l’attitude des nations tierces, la France et les États-Unis en particulier, qui agissent comme si une telle cession était un acte de justice. Conscients de distordre la vérité des faits, les diplomates ont inventé un nouveau concept pour justifier le soutien à l’agresseur, " l’échange de la terre contre la paix ", principe pervers et hypocrite s’il en est. Il dit en effet aux agresseurs : " Vous avez le droit d’agresser Israël et, si vous perdez votre guerre d’agression, vous avez le droit de récupérer les terres perdues ". Ces nations tierces ne se sont jamais appliqué ce principe à elles-mêmes et, bien pire, elles disent au vainqueur d’une guerre défensive et non aux agresseurs vaincus " c’est à vous de payer le prix de la paix ".

" Pour la paix, il n’y a qu’une valeur d’échange possible, c’est la paix ", a dit Pierre Simsovic, un penseur israélien. Dire à un homme ou à un pays qu’on ne lui laissera la liberté de vivre en paix qu’à condition qu’il la paye, c’est exiger de lui une rançon. C’est avouer qu’on ne veut pas la paix pour la paix.

Qu’il y ait en Israël des gouvernants pour défendre l’idée d’un prix à payer pour avoir la paix avec les Syriens, relève du discours de politique intérieure d’hommes politiques qui ont à faire accepter à leur peuple les concessions qu’ils ont jugées possibles. Qu’il y ait aussi en Israël des gouvernés - apparemment non majoritaires - pour tenir le même discours, est le signe d’une profonde aspiration à la paix, mais aussi le signe d’une lassitude qui expose aux pires dangers tout peuple soumis à la nécessité d’un courage permanent. Et puis, comme a dit Eliane Amado-Valensi, beaucoup d’Israéliens ont une aptitude particulière à considérer que " l’objectivité consiste à souscrire à la subjectivité de ses ennemis ". Ils ne connaissent pas ces mots de Bismark : " quand on veut acheter son ennemi par des concessions, on n’est jamais assez riche pour le faire ".

Un antijudaïsme non condamné

Si Israël est sur le chemin de la paix, ce chemin tracera l’histoire des concessions d’Israël. Les Israéliens se trompent ou ne se trompent pas, mais c’est eux qui paient le prix. Leur choix n’exonère pas de leur faute ces conseilleurs inconsidérés qui font pression sur Israël et ne seront pas les payeurs. Du moins à court terme, car Israël n’est que la première cible de la poussée islamique. Rien ne presse dans une région dont la stabilité politique n’est pas le trait le mieux garanti et où les gouvernants continuent à cultiver ou laisser cultiver dans leur peuple la haine des Juifs et d’Israël. C’est un signe que les stratégies globales n’ont guère changé. La paix des cœurs suppose pour le moins que la nouvelle génération de dirigeants arabes instaure ce préalable essentiel que constitue l’éradication de la haine. Alors le problème du Golan et les autres trouveront des solutions dans la confiance. Mais les nations occidentales, si soucieuses en apparence de lutter contre l’antijudaïsme, ne le condamnent pas au Proche-Orient. Souhaitons que les peuples n’aient pas un jour à payer la pusillanimité de leurs dirigeants.

* Ingénieur Général du Génie Maritime (cr),

Président de France-Israël,

Alliance Général Kœnig.