Hébreu -   Juif   - Hébreu ?!... 

 

Hébreu -   Juif   - Hébreu ?!... : différentes dénominations du  peuple juif au fil du temps. Pourquoi ???

D’abord analysons leur étymologie :

1) Hébreu : עברי, Ivri : ce terme renvoie au mot, ever, עבר : un côté opposé ; autre exemple : בעבר  הירדן : de l’autre côté du Jourdain.

Ces termes récurrents nous interpellent et font jaillir un certain nombre de questions. .לעבור : passer, traverser.

Mais עבר, Ever,  est aussi le nom d’un descendant de שם, Shem, lui-même fils de Noé.

2) Juif vient du terme:Yehoudi,  יהודי:

 a) appartenant à la tribu de, Yehouda, יהודה, Juda.

 b) appartenant au royaume de  יהודה, résultant du schisme qui suivit la fin du règne du roi Salomon, quand son fils Roboam commença à régner.

3) Israélite :-ישראלי : désignant celui qui habitait  dans le royaume d’Israël, résultant également  de ce même schisme qui transformera le royaume de Salomon en deux entités à la suite de la révolte de Jéroboam et ses acolytes.

-autre façon de désigner les Juifs en français, car le terme « juif » était considéré comme une injure, au début du vingtième siècle ; Israélite impliquait les Juifs bien intégrés dans la société française ou même plutôt assimilés pour ne pas dire honteux…

-quant au terme : Israélien, son origine sémantique est la même, et désigne les citoyens de l’Etat d’Israël contemporain. Mais  Israël est également le deuxième nom de Jacob, après son combat avec l’ange tutélaire de Esaü. Dans une deuxième étape, examinons pourquoi la dénomination du peuple d’Israël a varié. Abraham est défini, le premier, comme עברי, hébreu, c'est-à-dire descendant de שם, Sem, et עבר, Ever, et comme étant celui qui a passé de l’autre côté du fleuve : géographiquement, il avait quitté la Mésopotamie en passant de l’autre côté de l’Euphrate. Mais  il l’a également  quittée métaphysiquement,en rejetant l’idolâtrie pour adhérer au monothéisme, croyance en un D…UN,Créateur unique de l’univers .Ses descendants  seront, eux  aussi ,appelés,définis comme  Hébreux,c'est-à-dire acceptant les mêmes principes  qu’Abraham.  D…contracte une alliance avec lui, son fils et son petit-fils, cheminant, chacun dans la même voie, excluant, à chacune de ces trois générations, les lignées qui n’y adhèrent pas totalement, à savoir ישמעאל, Ismaël et  Esaü, עשו.Jacob,  mis à l’épreuve à son tour, sort victorieux de son  combat avec l’ange tutélaire d’Esaü ,qui  refuse de reconnaître les prérogatives de son frère, résultant ,entre autre ,de la vente du droit d’aînesse, et  aussi des bénédictions qu’Isaac avait données à ses fils, après l’intervention de Rébecca,  plus lucide que son mari, quant au devenir d’Esaü :לא יעקב יאמר  עוד  שמך  כי אם  ישראל כי שרית  עם  אלוקים ואם  אנשים  ותוכל (בראשית,ל"ב,כ"ה)

On annonce à Jacob, qu’à partir  de cet épisode de sa vie, il ne s’appellera plus Jacob mais  Israël, car il a combattu hommes et anges tutélaires de nation et les a vaincus. D’autre  part, il faudrait  spécifier comment  la Thora conçoit la notion d’histoire. De façon générale, la pensée occidentale mettra l’accent sur  les évènements eux-mêmes alors que le mot en hébreu qui désigne l’histoire,תולדות,Toladot, fait référence à l’histoire du  sujet des évènements  donc à l’homme, perçu en  cours d’engendrement, selon un plan précis de modification progressive d’identité, comme dirait le Rav Askénazi, Zal ;en effet ,quand D… crée (1) la terre,cette dernière aurait du produire l’homme, ce qu’elle ne fit pas durant les étapes évolutives des six jours  d’agencement de la création,בששת  ימי  מעשי  בראשית ;D…intervient alors et le crée,en marge des étapes précédentes,mais cet homme,dans son évolution  propre, est en devenir, en cours d’engendrement du fils de l’homme,c'est-à-dire  du   משיח , du Messie, pour accéder à l’ère messianique,dans un temps où le problème de la fraternité entre humains sera résolue .Au  départ du projet divin, il y a unité de l’identité humaine qui vient elle-même témoigner de l’Unité Divine .Or Ever est le dernier chaînon de cette unité première de l’humanité qui éclatera dans l’épisode de la tour de Babel , avenir perçu prophétiquement par lui ,comme nous l’explique le midrash (Bereshit rabba :ch37,§7) :à cette époque là, on ne nommait pas ses enfants pour rappeler la mémoire d’ancêtres mais en fonction d’évènements à venir ;or Ever savait qu’il y aurait éclatement de cette unité première ,provoquant la diaspora des nations sur laquelle sera indexée beaucoup plus tard celle d’Israël ,raison pour laquelle il nommera son fils,פלג ,Peleg,(ce nom  est de la même racine  que le mot מפלגה,פילוג,דור  הפלגה :mots qui expriment l’idée de division,…partis politiques,qui,à priori , impliquent l’idée d’opposition).Mais «  éclatement »  dit aussi dissensions , conflits; il est intéressant  de constater que les constructeurs de la tour de Babel étaient totalement unis dans leur projet ! Ils sont donc bien à la charnière entre l’unité première et cet éclatement que nous évoquions antérieurement. Autre élément : l’Homme, האדם, est créé, masculin et féminin, puis se dévoile en Adam et Eve, c’est-à-dire dépasse le stade du simple accouplement, propre au règne animal ; mais on n’assiste pas à un réel dialogue ; on se contente de nous dire qu’Adam a transmis le commandement divin à sa femme, qu’elle a d’ailleurs transformé … Puis on nous raconte tous les échecs ultérieurs de l’humanité, aboutissant à son effacement, épargnant Noé et sa famille. Dans cette même lignée de Shem et de  Ever ,apparaissent Abraham  et  Sarah , gage de retour, grâce à leurs engagements personnels et à l’alliance qu’ils ont contractée, à l’unité première ;et eux se parlent ;Sarah est pour Abraham à la fois sa femme et « sa sœur » , dit-il au Pharaon(non pas sa sœur au sens biologique,mais au sens de la fraternité réussie, du dialogue, de la complémentarité ;comme dirait Manitou ,Zal : à l’extérieur ,elle est ma sœur ,et  à l’intérieur, dans l’intimité ,elle est ma femme,tel est le comportement à  avoir dans ce qu’on voile et qu’on dévoile,  en société )  (3)   אתה  אחד  ושמך  אחד ...ומי  כעמך  ישראל  גוי   אחד  בארץ...…Israël est donc le garant du dévoilement de l’Existence et de L’Unité divines. C’est ce que véhicule le terme « Hébreu ». En Egypte,  les Hébreux sont appelés « Benè Israël », c’est-à-dire, descendants de Jacob ; mais, en sortant de cette matrice d’engendrement, ils s’unifient en  un peuple et inaugurent leur nouveau statut.  Le termeיהודי, Juif, ou plutôt Judéen, apparaît bien plus tard, dans le livre d’Esther, quand Mardochée est défini comme  איש  יהודי  היה  בשושן  הבירה  ושמו  מורדכי  בן יאיר     בן    קיש   איש  ימיני   (ch2v5) : Judéen, bien qu’appartenant à la tribu de Benjamin ,mais étant un citoyen du royaume de Juda détruit   par  Nabucodonosor.Cette époque  voit disparaître le pouvoir prophétique du peuple d’Israël ainsi que sa pleine souveraineté sur la terre d’Israël,car même si les Judéens y habitent ,ils y sont souvent vassalisés, dépendant de la puissance étrangère de l’époque .Les  hommes de la Grande Assemblée,אנשי  כנסת  הגדולה ,sages de ce temps,se penchent alors sur le destin futur du peuple, en exil ,pour combien de temps ???Comment éviter l’écueil de l’assimilation et comment assurer la survie physique et surtout  spirituelle, la mémoire de cette identité hébraïque, garante du projet divin, de la transmission de cette unité originelle .Au temps de la prophétie succède celui de l’étude des textes révélés, le temps de la חכמה, de la sagesse émanant de la révélation. Disparaît  un peuple-nation dont la constitution est la Thora  révélée  au mont Sinaï, dans un but bien précis élucidé plus haut, et des communautés  de religion juive  le remplacent ; ainsi naît  le Judaïsme  afin de préserver la fidélité,par l’étude et la mémoire,  à  l’identité hébraïque. Un Juif  est un Hébreu  indexé   à  l’identité  citoyenne du lieu de ses pérégrinations, aux nations chez lesquelles il séjourne, pouvant adopter  leur culture  et leur civilisation,et intégrant, de toute évidence, leur langue. Siècles et millénaires se succèdent. Les Juifs peu à peu se réveillent de leur léthargie exilique et commencent à  revenir en Israël, parfois en tant que communautés religieuses, parfois au nom de sentiments nationaux   même  en opposition à leurs racines religieuses, sans être conscients  qu’ils participent ,malgré eux ,  au projet  de retour  programmé par la Providence Divine  qui agit  ,en amont,  intervenant  dans notre histoire ,toujours en fonction de l’état moral et spirituel du monde ,mais fidèle à son plan initial ;  un désir ardent les poussent,donc, à se reconstituer en nation ; c’est à cela  que nous assistons, en particulier, depuis cent ans. Dans chaque terre d’exil où a  passé   le peuple juif, il s’est retrouvé face à un visage de l’identité humaine, particulier ,résurgence de  l’éclatement l’unité première.C’est au moment du retour d’Israël  sur sa terre,que chaque communauté rapporte avec elle ces différents visages qu’elle a intégrés pour les réunifier  et ainsi rétablir l’unité première originelle ;  c’est cette vertu qui manque tant à Israël et  c’est vers elle qu’il tend désespérément et qu’il intégrera définitivement à la fin du temps de l’histoire,à la fin du temps des engendrements (voir plus haut ,dans notre étude),à l’aube des temps messianiques ;dans toute cette ébauche du retour, il ramène ces différents  visages, facettes, qui caractérisent la spécificité  de chaque  paysage traversé lors de ses tribulations. Son rôle  et sa mission seront de les réunifier tous, et ainsi Israël réintègrera  sa dimension hébraïque. « Dans les convulsions du retour, ( sur sa terre), réapparaît  le visage hébraïque, reflet du visage du premier homme », comme dirait Pierre-Elyakim Simsovic, image emblématique du projet divin ; quête d’une fraternité réussie entre les hommes,  générée par l’humanité elle-même, grâce au message d’Israël et à son exemple pour y parvenir,  voici le dessein divin. Tout le  contenu de la Thora ne reflète que cette incessante recherche à travers les péripéties de la famille des patriarches !...

Espérons que cette nouvelle année, à l’aube très proche, fasse apparaître les prémices de cette unité enfin retrouvée qui armera Israël devant ses pires ennemis  à condition de faire coïncider sa volonté avec celle du Créateur !כתיבה וחתימה טובה à tous nos frères ! Que cette année soit douce et panse les plaies des fils d’Israël…...

Notes :

1) בראיה  : terme qui définit une création ex-nihilo : première étape de l’acte créateur divin,son projet ;יצירה : la mise en forme de ce projet, les efforts pour le réaliser ;mais malheureusement la réalité obtenue n’est qu’une approximation de celui-ci ;tout le but et la fonction du peuple d’Israël  est d’opérer un תקון ,une remise en état du monde pour qu’il puisse enfin coïncider avec le projet ;voici le travail auquel il est attelé durant tout le temps de l’histoire de ce monde-ci,עולם  הזה  . 

2) Il est conseillé à nos lecteurs  d’écouter le CD qui récapitule l’enseignement du Rav Askénazi, à ce sujet : « Abraham, l’Hébreu »  qu’on peut se procurer en s’adressant à la fondation Manitou.Je tiens aussi à remercier Monsieur Simsovic pour son aide ; on peut suivre son enseignement, en particulier, en suivant les cours du Centre Yaïr à Jérusalem.              

3) on pourrait,également,analyser,la description du comportement d’ Isaac et Rebecca ;puis  de Jacob et Rachel où on nous spécifie qu’il y a dialogue et amour(qui existait, bien sûr aussi chez les deux premiers patriarches,mais sans être mentionnés) ;ceci implique une évolution dans la fraternisation des rapports humains ;Manitou veut nous montrer  qu’à travers la vie des patriarches et de leur descendance s’inscrit l’effort d’évolution des rapports humains à travers ce temps de l’histoire que sont les « TOLADOT »

Monique SCHONBERG