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HERZL

 

Dimension "messianique" ou "satanique".

Lieu de nombreux débats passionnants.

1897-1997 : Le centenaire du premier congrès sioniste, l'aube de l'ébauche de la résurrection d'Israël en tant que nation. Herzl de s'exprimer: "A Bâle j'ai créé l'état juif. Si je le dis aujourd'hui à haute voix, je serai salué par un éclat de rire général. Dans cinq ans peut-être dans cinquante ûrement, tout le monde le reconnaîtra."

Herzl visionnaire, qui est-il ? A-t-il réellement créé l'état juif ou n'a-t-il été qu'un maillon dans la chaîne des générations qui devaient aboutir à laréalisation du projet divin ? Pourquoi lui ? Ou pourquoi ce type de Juif a réalisé cet aspect du projet divin de notre temps ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre.

Situons peut-être d'abord le personnage de Herzl dans la société juive de l'époque.

Né à Budapest en 1860. Avec sa famille il ira s'établir à Vienne à l'âge de 18 ans. A 31 ans il est nommé à Paris correspondant d'un important journal viennois. Juif totalement assimilé et incullte au niveau de son patrimoine culturel hébraïque, il est confronté rapidement, dès son plus jeune âge, à l'antisémitisme ambiant qui sévit depuis des siècles de façon plus ou moins voilée ou dévoilée au fil du temps.

Cette prise de conscience douloureuse est à l'origine de toute une réflexion sur la condition juive en Europe.

Après des poèmes et des nouvelles composées à l'âge de 13 ans, qui augure déjà d'une future carrière littéraire, il deviendra, plus tard, feuilletonniste et dramaturge. Durant l'été 1891, à la suite de querelles conjugales avec sa femme Julie Nashauer, qu'il avait épousée en 1889, et après des périples dans les Pyrénées, il va se retrouver à Paris au mois d'octobre pour assurer le poste de correspondant dans la "Neue Freie Presse", quotidien libéral de haut niveau qui existe depuis 1864.

Paris;"Ville des Lumièresé, capitale, alors, de l'art et de la mode, lieu -école de la démocratie, va lui réserver des surprises amères.

Il y séjourne d'octobre 1891 à juillet 1895, époque où éclata l'affaire Dreyfus. Or Dreyfus est un pur produit du citoyen modèle totalement assimilé et intégré au paysage français. Herzl est tout de suite convaincu de l'innicence de ce brillant capitaine d'artillerie et les vociférations de la foule qui hurlent "mort au traître, mort aux Juifs" le touchent en profondeur et l'interpellent cruellement dans son être profond. On assiste à un revirement total des solutions qu'il préconise pour résoudre le problème juif.

En 1893: Herzl proposait pour mettre fin à l'antisémitisme une annulation de l'identité juive à travers le baptême et le mariage mixte. L'affaire Dreyfus sonne le glas fort heureusement, de cette première solution proposée, et germe, peu à peu en lui, l'idée d'un état juif qui résoudrait le problème du rejet d'Israël par les nations, au sein de leurs sociétés respectives. Il se met en contact avec des groupes d'étudiants favorables à un tel projet et avec les "Hovevé Tsion" "amants de Sion", qui prônent le retour du peuple sur sa terre ancestrale.

Herzl décide de se tourner vers son peuple pour le sensibiliser à son projet d'état juif et également vers l'opinion mondiale, démarche indispensable qui nous rappelle le texte de la Gemarah Ketouvot (page 111 folio a) qui parle de serments que D. aurait fait jurer aux Bné Israël, mais aussi aux nations, qui les assujetissent, à savoir que sans l'accord de ces dernières, Israël ne peut sortir des différents exils :

  • Le Pharaon a dû renvoyer Israël
  • Cyrus, le roi de Perse avait donné son aval, par un décret, pour permettre aux exilés de Babylone de retoourner en Eretz Israël, afin de reconstituer le royaume de Judée, détruit par Nabuconodosor.

Il en sera de même en ce qui concerne le rôle des Nations Unies qui permit à l'état hébreu contemporain de naître.

Herzl écrit un premier livre, paru le 14 février 1896, "L'état juif", qui va bouleverser le destin du peuple juif et qui va préparer le terrain qui va permettre au 1er congrès sioniste de voir le jour, du 29 au 31 août 1897, à Bâle, sorte de 1ère assemblée nationale du peuple juif.

Herzl se transforme presque en une sorte de 1er ministre. Il rencontre le Kaiser à Constantinople le 2 novembre 1898, le sultan Turc, le Pape Pie X, le roi d'Italie, les ministres britanniques. Il visitera la Palestine et à son retour, il écrira un "nouveau programme" "Alt-Neuland" "Pays ancien, pays nouveau" dans lequel il imagine ce que sera cet état juif 20 ans plus tard.

Le ministre des colonies, Chamberlain, propose à Herzl, en 1902, une colonisation juive autonome de la région d'El Arish, dans le Sinaï, région appartenant à l'Egypte, et formellement à l'empire Turc. L'influence anglaise est prédominante et va provoquer une mini-crise dans le mouvement sioniste quand est proposée la possibilité de création d'une colonie juive en Ouganda, en attendant l'accord des nations en vue d'une installation sur le sol ancestral.

Ce projet, en Afrique orientale, fut refusé et abandonné. Le 2 novembre 1917, treize ans après la mort de Herzl, le ministre des affaires étrangères, lord Balfour, publia "la déclaration Balfour" dans laquelle il stipule la reconnaissance, pour les Juifs, d'avoir un foyer national.

Herzl croyait que les Arabes nous accueilleraient à bras ouverts ! Quelle illusion ! La réalité nous montrera vite son vrai visage. Mais, là encore, si nous nouqs référons à nos textes, ils ne font que nous annoncer ce que nos frères vivent quotidiennement dans la terre promise à nos "pères", qu'il s'agisse du Midrash, de la Guémarah ou du Zohar.

Herzl va nous décrire une société nouvelle sans minorité, sans majorité, égalitaire ! Doux rêve !

Mais le projet de Herzl, généreux, ne prend nullement en compte la spécificité culturelle et spirituelle juive, ce qui lui vaut une opposition farouche de "l'aile" la plus orthodoxe du peuple, mais aussi de Juifs libéraux qui ne comprennent pas ce type de nationalisme et qui préfèrent leur acculturation chez les nations.

Ce que l'on oublie trop souvent, c'est que Herzl et les pères fondateurs n'ont pas inventé le sionisme. Ils ont peut-être créé le sionisme laïc, première étape du réveil de nos frères égarés, et qui, nous explique le Rav Abraham Itshak Kook, dans son livre "Orot", auraient été définitivement perdus dans le désert des nations, si cet appel n'avait pas fait basculer du non-être à l'être, cette résurrection lente, ce retour lent du peuple d'Israël au bercail, fidèle aux paroles des prophètes où D , par leur bouche, annonce qu'il ramènera tous les "Bené Israël" (enfants d'Israël) même des confins les plus éloignés, des quatre coins du monde (voir Devarim ch 30 vers.3-5) "Ve shav Hachem, Eloquekha èt shevoutekha.... ve shav vekibatsekha mikol haamim asher hefitsekha Hachem Elokekha shama. Im yiyé nidakhakha biquetsé hashamayim misham yekabetsekha Hachem Elokekha, ou misham yikakkhekha veheviékha Hachem Elokekha èl haaretz acher yareshou avotekha virishta vehevitekha vehirbekha méavotekha...."

Mais contrairement à l'Egypte dont la sortie s'est faite précipitamment, la sortie du dernier exil se fait et se fera kima...kima peu à peu, comme l'explique le Gaon de Vilna qui incite ses élèves, ainsi que le Baal Chem Tov les siens, à monter en Israël, car le temps de la Géoula, la délivrance, approchait. Le Rav Kook, lui-même dans son ouvrage "Orot hatechouva", dans lequel il développe les différents aspects du mot "techouva" retour, met l'accent sur ce qu'il appelle " Le tekhiat haouma ou le shivat shevouta kime olam oukeshanim kadmonioth".

C'est à dire qu'un des aspects du retour est aussi, en vue du salut final, la résurrection de la nation d'Israël sur son sol, lieu de l'observance idéale, car totale, des mitzvoth. En effet, le traité Haguiga (page 5, folio b) considère qu'il n'y a pas de plus grande "annulation de la Torah" que de vivre en exil, lieu de "l'incomplétude" des Mitzvoth au niveau qualitatif et quantitatif.

"Kevan chegalou Israël mimekomam, ein lekha bitoul tora gadol mizé". Le sionisme laïc est un échec, dans la mesure où il n'a pas pris conscience de la dimension particulière et spécifique que doit avoir ce mouvement, car il relève d'une dimension historiosophique "verticale" et pas seulement "horizontale" historico-politique. Les opposants du monde religieux n'ont pas compris, à l'origine, l'enjeu messianique et transcendant qu'il revêtait, car caché sous les écorces de la laïcité, qui permettait de ramener les âmes perdues d'Israël à l'instar de la lignée messianique, qui, à travers Tamar et Ruth et leurs engendrements respectifs, purifiaient les branches généalogiques humaines engluées dans leur impureté première; car, qui dit "Gueoula", salut implique "Tikoun haolam koulo", transfiguration à tous niveaux de notre monde créé.

Monique Schönberg

Professeur d'études hébraïques

* Note :

Dans le domaine de la pensée juive, différents courants religieux s'affrontent :

1. a - Ceux qui interprètent la création de l'état hébreu comme une première étape messianique.

b - Ceux qui y voient un miracle, mais pas une dimension messianique.

c - Ceux qui l'interprètent comme "maassé satan", l'oeuvre de satan, c'est-à-dire, une illusion, un piège, une entité à détruire. C'est l'opinion des Netouré Karta, Hassidé Sotmakh, un des groupes de hassidim, heureusement minoritaires.

2. Quant aux tenants du sionisme laïc, en s'appuyant sur la genèse de notre Culture, il aspirait à un foyer national, comme le possèdent toutes les nations, pour résoudre le problème de l'antisémitisme, et pour être une nation comme les autres, avec comme aspiration, de constituer un modèle mieux réussi dans les rapports interhumains qui régissent les sociétés entre elles.