En lisant le texte encadré tiré du Talmud Babli, plusieurs questions nous viennent à l'esprit :
Mon étude ne sera pas exhaustive, bien sûr, mais vous laissera peut-être entrevoir les les trésors cachés du discours hébraïque à l'échelle méta-historique et vous montrera, l'espace de quelques minutes de lecture, la cohérence saisissante, à l'échelle cosmique, de l'acte divin créateur, source perpétuelle d'élan vital dans notre monde. Dans le récit exégétique de la création de l'univers et dans l'apparition à l'être de ses différentes strates (1), le terme "meorot" est utilisé pour définir deux luminaires qui éclaireraient, l'un le jour et l'autre la nuit. Mais le texte de la Guemarah opère une différenciation légèrement autre Comme nous allons le voir, cette différenciation vise, en fait, un autre but. Les causes d'éclipse sont différentes. En effet, le Midrash associe symboliquement les nations, et en particulier Esaü, (assimilé plus tard à l'occident, dont le calendrier est solaire) au soleil et le peuple d'Israël à la lune (le cycle lunaire servira à fixer le temps des fêtes de notre calendrier). Nous ne pouvons dans le cadre de cet article nous éyrndre plus loin dans l'approfondissement de ce choix car ceci impliquerait des développements trop longs. Les questions citézs préalablement intriguent le Maharal de Prague dans deux études différentes qu'il a faites - la première, dans son ouvrage de pensée juive "Le puits de l'exil" (6ème puits): il analyse le rapport entre des données objectives astronomiques et le comportement humain. Un deuxième texte (Déroush Al Hatorah) montre le pourquoi du choix des fautes énoncées qui entraîneraient des éclipses Pour répondre à notre deuxième question, parcourons donc ce passage du "6ème puits". L'auteur énonce d'abord le principe suivant : il y a corrélation étroite entre les éléments de la nature à l'échelle cosmique d'une part, et d'autre part la constitution de l'homme et l'usage qu'il fait de la création. Dieu a créé, préalablement à notre apparition à l'être, le cosmos, qui est à "notre" service, sorte de "maison" qui permette à l'humain de se mouvoir, de respirer, de se nourrir, de se reproduire, bref d'exister. Mais l"homme, "lieu" de toutes les contradicions, est pécable, vu son libre-arbitre, et donc en tant que créature, possède des imperfections potentielles et des limites à tous les niveaux de sa personne. D'ailleurs le récit biblique n'a pas attendu mongyrmps pour nous en faire part à travers le récit de la première faute originelle. Si le premier couple n'avait pas fauté, il serait resté dans le jardin d'Eden et aurait goûté aux temps messianiques. Cette erreur l'amena à rentrer dans le temps de l'histoire "réparatrice" et le projeta hors de ce jardin. A l'image de cette carence, de cette imperfection engendrée par cette faute, le créateur va moduler son cosmos, le modeler selon des variantes diverses. Si l'homme, en fautant, n'avait pas introduit en lui cette imperfection que le Maharal va définir comme une annihilation d'éléments attachés à la notion d'Existence, au sens absolu du terme, metsiout, en provoquant ainsi l'apparition de points de "non-être" "heédér", il n'y aurait pas eu d'éclipses astrales dans l'univers, ces dernières n'étant que le reflet, à leur niveau, de cette même abscence d'"être" limitée dans le temps. L'homme ayant décidé de vivre hors des normes divines imposées par son Créateur, va évoluer dans un univers légèrement remodelé différemment, selon des Lois "revues et corrigées", si je puis m'exprimer ainsi. Le Maharal va continuer son étude et esayer de nous faire comprendre pourquoi les Sages du Talmud ont choisi de tels comportements humains répréhensibles et leur rapport avec l'existence d'éclipses. Prenons d'abord le cas d'une éclipse du soleil Si nous examinons les fautes qui engendreraient ube éclipse de lune, nous comprenons aisément déjà que les deux premières énoncées, la falsification au niveau de l'écrit et de l'oralité soient symbolisées par un manque de clarté, de lumière; et nous revenons au principe énoncé (note 5) à savoir le rapport entre lumière et existence et leur contraire. Quant aux deux dernières : Rachi nous explique que pour le menu bétail, leur éleveur n'est pas capable de les empêcher de brouter dans les champs d'autrui. Les arbres fruitiers que l'on coupe en les empêchant de donner leurs fruits sont comme une sorte d'atteinte portée à la terre d'Israël, lieu de la bénédiction divine liée au comportement humain, semblable à une rébellion contre cette bénédiction. Dans le deuxième texte du Maharal que je vous annonçais plus haut, chers lecteurs, nous changeons totalement de registre. L'auteur analyse le texte talmudique, non pas selon la littéralité des termes mais dans des catégories toutes autres. Le soleil est à la lune, ce que Dieu est à Israël, la lune tire sa lumière du soleil comme Israël reçoit la vie du divin, la révélation du divin, la Thorah, sagesse divine, de son créateur. Le soleil va donc être assimilé à la Thorah et la lune aux talmidé khakhamim, c'est à dire aux Sages détenteurs de la Thorah, qui éclairent le peuple, le monde, grâce à la lumière de la Thorah transmise de génération en génération, de maître à élève. Examinons maintenant dans ce nouveau cadre le rapport entre les fautes énoncées plus haut et une éclipde de soleil ou, dirais-je, un amoindrissement, une atteinte portée à ce "soleil" qu'est la Thorah. Cette dernière nous enjoint (7) d'aimer "Dieu de tout notre coeur, de toute notre personne et tous nos moyens" (dans le Shema). Le Maharal assimile le coeur à l'activité cérébrale (Marshava sekhel), la personne à ses actes e à l'observance des commandements divins, et ses moyens à ce qui lui appartient. Dans cette cohérence là, ne pas honorer la mémoire d'un président du tribunal hébraïque, alors qu'il doit incarner l'exécution de la justice divine sur terre, c'est ne pas honorer la Thorah qu'il représente pour la collectivité. Même s'il est détesté par son public, ce n'est pas une raison pour ne pas faire d'oraison funèbre car la mort physique doit mettre fin à l'animosité et on doit honorer ce qu'il représente, à savoir la Thorah dont l'éclat est terni par cet irrespect. Deuxième faute : la jeune fiancée à qui on fait violence, disions-nous. Là encore le Maharal nous projette dans un autre univers. Deux racines verbales en hébreu, ont le même sens, se prononcent identiquement mais s'écrivent différemment Aleph Rech Sin ey Aleph Rech Samekh (ARAS): "fiancer" et on va jouer sur les lettres samekh et sin qui parfois s'interchangent. Le Maharal va rapporter un texte du traité Pessachim (page 49 folio b) (8) dans lequel la Thorah est comparée à une fiancée et Israël au fiancé. Et notre auteur de continuer : quand seuls les riches essayent de se l'approprier, la Thorah, cette fiancée, crie et dit qu'elle est héritage de tout Israël, pauvres comme riches et qu'au contraire il faut aider tout un chacun à l'acquérir (la pauvreté peut-être l'apanage de domaines très divers, physique, psychologique, intellectuel, spirituel !). Ne pas permettre à tout Juif d'accéder à l'étude de la Thorah, à son niveau, porte atteinte à la Torah elle-même, et, pourrait-on dire, à la survie culturelle et spirituelle du peuple, et par voie de conséquence à sa survie physique. Faute suivante, la pédérastie : Là encore le Maharal nous dépayse totalement. L'homme, le mâle, a pour fonction de subvenir à ses besoins par l'intermédiaire d'un métier acquis préalablement. Cette fonction est masculine. Etudier la Thorah "s'unir" à cette "fiancée", devenue femme est de l'ordre du rapport du masculin au féminin (9). Un juif qui ne s'occuperait que de biens matériels pour son propre profit, sans toucher à la Thorah ou sans aider ceux qui l'apprennent, un fils, un gendre, etc, est assimilé à un pédéraste dans la mesure où sa fonction, dans ses activités propres, ne serait que de l'ordre du masculin. Deux frères, disions-nous, tués ensemble. Notre auteur s'appuie sur un passage du Cantique des Cantiques (chapitre 7, verset 4) et sur un texte du traité Erouvin (page 54 folio A) (10) pour nous dire que ces frères jumeaux représentent les deux tables de la Loi qui ont été brisées à la suite de la faute du veau d'or. Leurs chute et brisure sont assimilées à un meurtre, à un amoindrissement de vie, de lumière de la Thorah. Et la Guemara d'expliquer que si elles n'avaient pas été brisées, il n'y aurait pas eu oubli d'une partie de la Th orah pour les Hébreux plus tard. En effet les premières tables sont oeuvre divine. Dieu aurait également donné à Israël une nature capable d'être réceptacle de ce type de tables de la Loi. Les deuxièmes sont oeuvre humaine et paroles divines juxtaposées, contact entre le fini et l'infini, entre le relatif et l'absolu et là il ne peut qu'y avoir perte de substance car le fini ne peut coïncider avec l'infini totalement. Nous pouvons ainsi comprendre pourquoi on nous parle d'éclipse du soleil, d'annulation conjoncturelle temporaire limitée de la sagesse divine. Que dire de la lune qui renvoyait aux talmidé khakhamim ?. Reprenons les fautes énoncées plus haut. La falsification de documents, la falsification de témoignages, correspondrait à un type d'individus versés dans la Torah qui ne seraient pas assez vigilants dans la transmission de leurs connaissances pour s'assurer que leur auditoire aie bien compris - ou d'autres dont la qualité de la transmission laisserait à désirer, ou d'autres encore dont les actes ne seraient pas le reflet de leur enseignement ou de ce qu'ils sont censés incarner. De tels individus peuvent amener ceux qui les écoutent à généraliser et donc à porter un jugement négatif sur l'ensemble des détenteurs de la sagesse divine. Revenons aux deux dernières catégories de fautes : ceux qui élèvent du menu bétail et qui coupent de bons arbres.
Certaines personnes, quand il s'agit de décrets rabbiniques, ne prennent pas au sérieux leur observance et finissent par ne pas respecter ensuite tout talmid khakham car ils ne voyaient dans ces lois que l'expression de l'initiative humaine. A travers toute cette étude, qui est loin d'être exhaustive nous pouvons comprendre, saisir combien l'homme et le cosmos sont imbriqués l'un dans l'autre, à quel point il n'y a aucune dichotomie à l'intérieur de la création mais aussi en citant un passage de ce même traité Soucca, qui précède notre passage :"Bezeman she Israël ossin retsono shel Maquom, hare eïn hem mityarim mikol eïlou meassimanim shel liquouyé hameorot"..... Quand Israël accomplit la volonté divine il n'a pas à carindre ces signes là d'éclipses astrales. Nous voyons qu'Israël n'est pas assujetti au déterminisme astrobiologique tout le temps qu'il est fidèle à son engagement pris au mont Sinaï, gage d'alliance indéfectible entre lui et son créateur. "Eïn mazal le Israël" que le Rav Askénasi Zal nous expliquait ainsi "eïn" fait allusion à "Eïn Sof" l'infini, le divin. Dieuest le "mazal", le "signe zodiacal" d'Israël. Il n'y a pas d'intermédiaire entre le peuple juif et Dieu qui régit directement sa destinée à travers une Providence divine particulière pour pouvoir lui faire accomplir sa fonction universelle. Monique Schönberg (extrait de Diaspora/Le Lien)
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