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La diversification du théâtre yiddish au XIXe siècle

Après les partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle, les masses juives rassemblées sur les marches des grands empires, surtout austro-hongrois et tsariste, vont être soumises à diverses formes de discrimination et à des réglementations particulières. Leur vie tant sociale que culturelle se trouve bouleversée par les transformations économiques et politiques que connaissent ces pays au cours du XIXe siècle. Le théâtre yiddish va changer de façon radicale.

Après avoir sillonné l’Europe de l’Est, un groupe de chanteurs et d’acteurs itinérants, les Broder Zinger, se fixe à Jassy (Roumanie) en 1868 et forme l’embryon d’une troupe. Sa rencontre en 1876 avec Avrom Goldfaden va être déterminante. Le théâtre yiddish va alors obéir à deux impératifs: instruire et distraire. L’enjeu didactique, issu du mouvement des Lumières, tente de combattre l’«obscurantisme» des masses, incarné pour les éclairés (maskilim) par le hassidisme. Dès 1796, Aharon Wolfson-Halle écrira Leichtsin und Fremmalia, mais ce sont surtout des auteurs plus tardifs, comme S.Ettinger (Serkele, 1863), I.Aksenfeld (La Recrue juive, 1861), Levinsohn (La Foire d’empoigne), A.B.Gottlober (Le Voile nuptial) et surtout Mendélé Mokher Seforim (La Dîme), qui créeront sur le mode comique et satirique de dénonciation sociale le répertoire du théâtre de cette époque. Quant aux pièces de divertissement, elles s’inspireront plus directement de la tradition du purimshpil, même si certaines auront aussi des visées moralisantes. Le fondateur de ce genre est Avrom Goldfaden (1840-1908). Poète, acteur, dramaturge, compositeur, il écrivit plus de soixante pièces: farces, comédies, satires sociales, mélodrames, opérettes à thèmes bibliques et contemporains (Shmendrik, 1877; Le Fanatique, 1880; Shulamis, 1880; Bar-Kokhba, 1887; La Sorcière, 1887; Ben-Ami, inspiré du Daniel Deronda de George Eliot).

Avec le dernier tiers du XIXe siècle s’amorce la grande émigration des juifs d’Europe centrale et de l’Est, à la suite d’une recrudescence de l’antisémitisme et de la multiplication des pogromes. Commence alors la grande errance du théâtre yiddish. Celui-ci essaime alors dans le monde entier, au gré des troupes itinérantes. En plus de l’Europe centrale et de l’Est, deux centres se dégagent. En Europe occidentale: l’Angleterre, avec surtout le Whitechapel de Londres, passage et halte obligés de tous les hommes de théâtre en route vers l’Amérique et Paris, autre plaque tournante de cette migration, où Goldfaden établit une troupe et une école dramatique éphémères. Mais c’est New York qui devient au cours de ces années la capitale du théâtre yiddish. Acteurs et actrices règnent alors sans partage sur le Lower East Side, formant, comme au Moyen Âge, de vraies familles de saltimbanques. Un théâtre populaire, indifférent aux problèmes esthétiques, voit le jour. Des troupes rivales s’installent avec leurs auteurs attitrés: le Rumenian Opera House avec le «professeur» Hurwitz qui, pendant plus de vingt ans (de 1886 à 1910), écrivit et monta une pièce par semaine; ou avec Shomer (1849-1905), un des écrivains les plus populaires qu’on fit venir de Russie et qui adapta des centaines de romans et de pièces; l’Oriental Theater, avec Joseph Latteiner (1853-1935) qui en composa quelque quatre-vingts. Pots-pourris de mélodrames larmoyants et d’opérettes historiques, ces pièces ne tardèrent pas à être dénoncées par l’intelligentsia yiddish qui s’insurgeait contre cette vulgarité (shund) et prônait d’autres formes de théâtre au nom de sa mission d’Aufklärung. Celle-ci se traduisit par l’apparition d’un théâtre beaucoup plus ambitieux, tant dans son répertoire que dans sa scénographie. 

Le théâtre yiddish et la modernité

Le répertoire

Aux États-Unis, au tournant du siècle, la personnalité la plus marquante fut celle de Jacob Gordin (1853-1909). Tenant des Lumières, disciple de Tolstoï, autodidacte, il consacra son inépuisable énergie au journalisme et au théâtre. En s’appuyant sur une pléiade d’acteurs, il donna un essor sans précédent à la scène yiddish de New York et d’Europe par la traduction et l’adaptation d’innombrables pièces du répertoire international (Shakespeare, Schiller, Hugo, Gogol, Gorki, Ibsen...) et par sa propre production. Malgré l’écriture lâche et bâclée de ses pièces, son optique naturaliste l’incite à doter ses personnages d’une certaine vérité psychologique et crée une tension qui ne manque pas d’efficacité dramatique. Parmi ses quelque soixante-dix œuvres, il faut citer Sibérie (1891), Le Roi Lear juif (1892), Le Pogrom (1893), Mirele Efros (1898), Le Capitaine Dreyfus (1898), L’Extermination (1899), Dieu, l’homme et le diable (1900, inspiré de Faust), Le Serment (1900), Khasyé, l’orpheline (1903), L’Homme sauvage (1905)... Des auteurs comme Leon Kobrin, avec ses traductions de Hamlet, de Faust, et des pièces telles que Yankl Boïtré, ou le Jeune Paysan; Z.Libin avec le Le Juif éternel, David et Goliath ou La Sentence... suivaient l’exemple de Gordin dans leur tentative, souvent naïve et maladroite, de réformer le théâtre yiddish.

Les classiques avaient déjà tenté de constituer un répertoire théâtral digne du reste de la littérature yiddish: Mendélé Mokher Seforim (1836-1917) avec La Dîme, La Conscription; Cholem-Aleikhem (1859-1916) avec des pièces comme Le Divorce (1887), La Réunion (1887), Yaknehoz (1894), Mazel-Tov (1899), Le Trésor (1908) et surtout avec les adaptations de ses récits ou de ses romans faites par d’autres ou par lui-même, Pasternak, Stempeniu, Tevié le Laitier (1919), Il est difficile d’être juif (1920), I.L.Peretz avec La Chaîne d’or, L’Enchaîné, La Nuit sur le vieux marché, etc., sortes de poèmes dramatiques aux thèmes mystiques qui rejoignent certains courants expérimentaux du théâtre contemporain. Ces auteurs suscitèrent des disciples: Chalom Asch, avec Dieu de colère (1907), Motke le Voleur; David Pinski, avec La Famille Tsvi, La Tragédie du dernier Juif, Yankl le Forgeron (1906), Chacun son dieu (1912); Peretz Hirschbein, avec ses idylles rurales comme Les Filles du forgeron, L’Auberge vide, Un coin perdu, Vertes Prairies; S.Anski avec Le Dybbuk (1917); H.Leivick avec des pièces à visée réaliste et politique telles que Le Royaume pauvre (1926), Banqueroute (1927), Hirsh Leckert (1931), La Comédie du sal (1934), ou des poèmes dramatiques à thèmes messianiques comme Le Golem en 1921 et surtout, après le génocide, Le Maharam de Rotenberg (1945), Mariage à Fernwald (1949), Aux jours de Job (1953). Nombre d’autres écrivains yiddish éprouvèrent le besoin de s’exprimer en tant que dramaturges. Ce fut le cas d’Aaron Zeïtlin avec une dizaine de pièces, écrites entre 1929 et 1939, qui explorent sur le mode tragique ou comique les diverses quêtes du salut et de la rédemption, toutes menant à l’échec (Jacob Frank, Villejuive...). En Union soviétique, la plupart des romanciers et des poètes mirent à profit le développement du théâtre yiddish pour s’exprimer par la scène (David Bergelson, Moïshe Kulbak, Peretz Markish, Shmuel Halkin, Lipe Reznik, Aaron Kushnirov, Dymov, Vaïter, M.Daniel). En Pologne, les contributions les plus intéressantes furent celles de Yakev Preger (La Tentation, Simkhé Plakhté), d’Alter Kacyzné (Le Duc, Sholem Schwartzbard...), de Leïb Malakh (La Crue, Mississippi).

Il n’est pas facile de se faire une idée générale du répertoire du théâtre yiddish. À partir de la fin du XIXe siècle furent créés des milliers de pièces, mélodrames et opérettes, dont certains ne furent jamais consignés par écrit. Le répertoire littéraire n’est pas simple à établir non plus. Si l’on prend comme point de départ Serkele de Ettinger (1863) et que l’on s’en tient aux pièces publiées et montées dans l’entre-deux-guerres, avec leurs diverses variantes, on aboutit à 1129 unités, de valeur très inégale, sans compter les adaptations d’œuvres en prose.

Théâtre d’art et troupes expérimentales

Tandis que le théâtre commercial – mélodrames et opérettes – bat son plein à New York, des troupes de jeunes amateurs issus du mouvement ouvrier, ambitieuses et élitistes dans leur aspiration à une culture de qualité, transforment l’art théâtral en mettant l’accent non plus sur l’acteur, mais sur le metteur en scène et la cohésion de l’ensemble. Le Cercle ouvrier fonde en 1916 la Folksbine (Scène populaire), qui crée un studio et fait appel à des metteurs en scène professionnels comme Buloff, David Herman, Leib Kadison... En 1925, sous l’égide du quotidien communiste Fraihaït, s’organise le studio Artef, dirigé par Benno Shnayder, qui adopte le style constructiviste et expressionniste en vogue. Il est encouragé dans les années 1930 par le Federal Theater Project, mis en place par le New Deal.

À l’incitation de ces troupes d’amateurs, des théâtres d’art professionnels virent le jour à New York: en 1918, le Théâtre d’art de Maurice Schwartz au Irving Place Theatre, ou le Naïer Teater au Madison Square Garden Theater. Les deux troupes adoptèrent les principes du théâtre européen pour les aspects stylistiques et renoncèrent au vedettariat au profit d’un travail collectif. D’autres expériences, souvent éphémères, furent faites dans le même sens (le théâtre de Rudolph Schildkraut, l’Ensemble artistique, la Nouvelle Troupe dramatique yiddish). Le seul théâtre d’art qui eut une certaine longévité fut celui de Maurice Schwartz qui connut un quart de siècle d’activité à peu près continue avant de disparaître en 1953.

En Europe orientale, malgré l’interdiction du théâtre yiddish promulguée par le gouvernement tsariste en 1882, on compte au début du XXe siècle une quinzaine de troupes. Leur circulation à travers le monde entier et leurs fréquentes scissions permettent la diffusion très rapide de conceptions dramaturgiques nouvelles. Esther-Rokhl Kaminski fonde, avec sa Troupe littéraire (1908), une des plus grandes dynasties du théâtre yiddish. En 1908, Peretz Hirshbein organise à Odessa le Théâtre artistique juif qui adopte une approche scénique symboliste, «un théâtre stylisé», qui après une tournée dans la zone de résidence va gagner les États-Unis. La troupe de Vilno, créée en 1916, en tournée notamment avec Le Dybbuk d’Anski, va laisser à New York un de ses meilleurs acteurs, Buloff, qui contribuera à y implanter les techniques expressionnistes qui la caractérisent. Des salles s’ouvrent un peu partout – à Riga, à Odessa, à Lodz. À Varsovie seule, des dizaines de théâtres voient le jour, parmi lesquels le V.Y.K.T. (Varshever yiddisher kunst teater) de Turkow et le Jeune Théâtre de Weichert. Les techniques dramaturgiques qu’ils développent se situent dans la mouvance des avant-gardes européennes, et notamment de Stanislavski. En Roumanie, berceau du théâtre yiddish, le poète Y.Sternberg va impulser tout un mouvement novateur. Des opéras de poche (kleinkunst teater), des théâtres de marionnettes apparaissent également.

L’Union soviétique présente un cas unique dans l’histoire du théâtre yiddish: pendant près de vingt ans (de 1919 à 1948), ce théâtre, malgré les multiples tribulations et persécutions dont il fut l’objet, bénéficia de subventions étatiques, c’est-à-dire d’une stabilité qui favorisa recherche et expérimentation.

Bien avant la révolution, à Petersbourg, des organisations, des associations, des sociétés littéraires juives se multiplient. En 1910, il existe déjà un studio juif. Avec l’éclosion soudaine de toutes les formes d’expression culturelle en yiddish, le théâtre prend une importance accrue. C’est dans ce contexte que la Société théâtrale juive, pour créer son studio, va faire appel à Granovski. Formé au théâtre allemand par Max Reinhardt, son style est proche de l’expressionnisme, du grotesque ou du théâtre synthétique. Sans connaissance particulière du yiddish, il va s’entourer d’élèves et d’acteurs issus du milieu juif et une fois à Moscou, en 1920, s’associer avec A.Efros qui y dirigeait déjà une école théâtrale yiddish. Le Studio, résultat de cette fusion, devient ainsi une institution officielle: le Théâtre de chambre juif d’État (G.O.S.E.K.T.), décoré par Marc Chagall, puis en 1925 le Théâtre juif d’État (G.O.S.E.T.), qui continuera ses activités sous la conduite de Mikhoels et de Susskin après le passage de Granovski à l’Ouest (1928).

Le caractère unique du théâtre yiddish d’Union soviétique est lié en premier lieu aux conceptions dramaturgiques de Granovski, reprises et développées par Mikhoels: l’attention aux techniques corporelles, au mouvement, au geste, à la rigueur quasi mathématique des constructions scénographiques. L’influence des peintres qui conçurent les décors des mises en scène – Chagall, Altman, Rabinovitch, Falk – fut aussi déterminante. Entre 1920 et 1948, date de l’assassinat de Mikhoels qui sera suivi par l’arrestation progressive des principaux créateurs de langue yiddish et par leur exécution en 1952, le théâtre yiddish de Moscou montera, entre autres, Uriel Acosta, Le Juif éternel, des adaptations de Cholem-Aleikhem (Les Agents, Mazel-Tov, Le Gros Lot ou 200 000, Menakhem-Mendl), L’Aube de Vaïter, Le Dieu de vengeance de C.Asch, La Sorcière de Goldfaden, Le Carnaval des masques juifs, Trois Petits Raisins juifs, Les Fourberies de Scapin, La Nuit sur le vieux marché de I.L.Peretz, Purimspiel, Le Golem de H.Leivick, Le Rêve de Jacob, Le Dixième Commandement, Les Voyages de Benjamin III, de Mendélé Mokher Seforim, Le Sourd de D.Bergelson...

Théâtre et cinéma

Le cinéma yiddish, qui eut une existence très éphémère (une centaine de films environ), apparaît comme un dérivé du théâtre. Il en épouse le clivage: d’une part, des «vaudevilles», opérettes et mélodrames, d’autre part, des pièces du répertoire classique, en yiddish et en traduction. Les premiers, sur la scène comme à l’écran, puisaient dans le folklore thématique et musical juif. Mais il manquait au cinéma le contact direct entre les acteurs et le public, qui faisait l’essentiel de la réussite de ce type de théâtre. Ces films marquèrent néanmoins la «comédie musicale» américaine.

Un cinéma plus ambitieux, à l’instar du théâtre d’art, vit également le jour. Granovski réalisa, après son départ d’Union soviétique, Vivre, ou la Chanson (1932), Les Aventures du roi Pausole (1936). Toute une série de pièces filmées ou d’adaptations de romans furent réalisées dans les années 1930: Uncle Moses d’après C.Asch, 1932; Der yidisher keniq Lear, Mirele Efros, Mentch, man un taïvl de Gordin, 1935; Mir kumen on, documentaire d’Aleksander Ford, 1935; Yidl mitn fidl, 1936; Dans les bois de Pologne, d’après J.Opatoshu; Grine Felder de P.Hirshbein... et surtout Le Dybbuk d’après la pièce d’Anski, adaptée par A.Kacyzné et réalisée par Michal Waszynski en 1938, qui reste le chef-d’œuvre du cinéma yiddish. Malgré ses limites, ce cinéma disposait dans l’entre-deux-guerres d’un public potentiel de dix millions de spectateurs à travers le monde. Avec le génocide, la production cinématographique yiddish s’arrête (à quelques exceptions près) aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Étant donné le caractère industriel du septième art, le public yiddish était désormais trop restreint pour attirer les investissements.

Les années noires

Les activités théâtrales, à l’instar des autres activités culturelles, se poursuivirent dans les ghettos et même dans les camps, certaines étant imposées par la Gestapo pour son divertissement (comme des cafés-théâtres du ghetto de Varsovie ou de Vilno). Mais surtout elles furent comprises par la population juive elle-même comme une des formes de résistance à l’extermination. Ainsi, dans le ghetto de Varsovie, on compte à certains moments six théâtres professionnels qui jouent tous les soirs et deux fois le dimanche, accueillant de 30 000 à 50 000 spectateurs par semaine. On puise dans le répertoire classique, mais on choisit de préférence des pièces à caractère national ou historique à thèmes messianiques ou de résistance. Au milieu de l’horreur, de nouvelles œuvres naissent, en yiddish ou en hébreu, d’inspiration souvent biblique ou prophétique. Proses, poésies, mais aussi drames et tragédies (I.Katzenelson...) seront lus ou montés presque immédiatement, avant d’être enterrés afin d’être préservés pour les générations futures.

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, des rescapés regroupés dans les camps de personnes déplacées essaieront de mettre en scène leurs expériences ou reprendront le répertoire d’avant guerre. On estime à une soixantaine le nombre de groupes d’amateurs qui ont fonctionné dans ces camps de regroupement.

Après le génocide, le théâtre constitua une des modalités selon lesquelles la société juive tenta de revivre. Mais le théâtre, plus que les autres formes artistiques, est une expression collective, il fut donc plus meurtri encore que le reste de la culture yiddish. Aux États-Unis, le Théâtre d’art de Maurice Schwartz, les troupes d’amateurs, comme le Folksbine, et des survivants immigrés après guerre livrèrent une bataille perdue d’avance. Dans le cadre de festivals, des tentatives sont faites pour redonner vie au théâtre yiddish.

Au Canada, en Argentine, en Australie, en Afrique du Sud, l’immigration d’après guerre insuffla une certaine vitalité au théâtre yiddish, mais les troupes ne pouvaient être permanentes, par manque de public et pénurie d’acteurs. La situation ne fut guère plus brillante en Europe occidentale. Il y eut bien une tentative de faire revivre le P.Y.A.T. (Parizer yiddisher arbeter teater) ou le Y.K.U.T. (yiddish kunst teater) avec des dramaturges comme Chaïm Slovès (La Défaite de Haman, Barukh d’Amsterdam...), mais là encore, après quelques représentations, quelques tournées, le travail devait s’interrompre. Bruxelles est la seule ville où un théâtre yiddish, mêlant amateurs et professionnels, a pu continuer de jouer avec une certaine périodicité.

Seule l’Europe de l’Est, avec son système de gestion étatique de la culture, fut en mesure d’organiser des théâtres yiddish. Ce fut le cas de l’Union soviétique jusqu’en 1952, date à laquelle fut anéantie l’intelligentsia yiddish. La Roumanie, berceau du théâtre yiddish, établit deux troupes, l’une à Bucarest (1948), l’autre à Jassy (1949). En Pologne, avec le retour des quelques centaines de milliers de réfugiés d’Union soviétique, des théâtres sans lendemain se créèrent dans différentes villes. Un seul subsiste à ce jour, le Théâtre yiddish d’État à Varsovie, qui fut celui d’Ida Kaminska et de Jonas Turkow.

C’est Israël qui connaît la plus grande activité théâtrale dans le domaine yiddish. La majeure partie du répertoire yiddish fut reprise par le théâtre hébraïque. Mais le théâtre yiddish y suscita de nombreuses troupes d’amateurs de bonne qualité et des compagnies professionnelles, à Tel-Aviv notamment. Il s’agit la plupart du temps de petites formations qui favorisent le genre du «klein-kunst» théâtre. Le théâtre yiddish connut un certain regain avec l’augmentation de l’immigration originaire des pays d’Europe de l’Est et surtout d’Union soviétique à partir de 1970, et grâce à l’intérêt accru pour le yiddish que connaît le pays depuis lors. 

Extrait de l'Encyclopédie Universalis